Monsieur
le Président,
Madame
la Vice-présidente,
Messieurs
les représentants de la Conférence intergouvernementale pour le Lyon-Turin,
Messieurs
les représentants des maîtres d’ouvrages,
Cher(e)
s collègues,
Après l’intervention de Claire DONZEL qui a appréhendé le projet dans
sa dimension européenne et au regard de son importante pour l’aménagement du
territoire en Europe et en Rhône-Alpes, je vais m’exprimer en apportant une
lecture plus locale du projet et de ses enjeux .
Si le projet de liaison ferroviaire Lyon Turin est bien un
projet à dimension européenne dont les enjeux dépassent de très loin nos seuls
territoires, et parfois même la Région Rhône-Alpes, je souhaite rappeler qu’il
émerge également de préoccupations locales. Car, à travers cette
infrastructure, il s’agit de répondre à certaines préoccupations et aux
attentes des populations alpines
Sécuriser le
transport ferroviaire fret sur nos territoires, c’est le premier enjeu local
que j’identifie.
Le Lyon-Turin et ses différents itinéraires d’accès,
permettront de lever enfin l’obstacle des 43 kilomètres de voie unique entre
Saint-André-le-Gaz et Chambéry, il s’agira d’améliorer la déserte ferroviaire
de l’Est de la Région qui date pour l’essentiel du XIX siècle et qui est
aujourd’hui portée à saturation. Tout le monde s’accorde sur ce constat. Tout
le trafic fret est acheminé sur la ligne le long du lac du Bourget, et traverse
les agglomérations d’Aix-les-Bains, de Chambéry, la Combe de Savoie,
Montmélian, la plupart des chefs lieux de canton de la vallée de la maurienne.
Bref, Pour être plus concret, on peut se dire que près de 100 000
personnes entendent le train de marchandises qui part de Modane à 23 h et passe
à proximité d’Aix les bains à 1h du matin. Parce que c’est aussi cela la réalité du fret ferroviaire actuel et malgré les
récents travaux de modernisation de la ligne historique, le bruit, les
nuisances sont bien présents. Ces nuisances, nous les supportions de bon cœur
quand la grande entreprise nationale qu’est la sncf embauchait encore près de
800 cheminots dédiés à l’exploitation, à l’entretien, à la maintenance de cette
ligne. Nous avons malheureusement compris que ce ne sera plus jamais le cas.
A cela ; on peut également ajouter la difficulté physique
du franchissement des alpes par la voie historique de Culoz à Modane, dite voie
de la Maurienne, avec ses pentes à plus de 30 pour mille, et la nécessité de doubler
les locomotives sur les trains de fret, trop lourd, en particulier sur le
dernier tronçon entre St Michel de Mne et Modane.
Mes chers collègues, on peut être un fervent défenseur du
transport ferroviaire, comme je le suis, et convenir qu’on ne peut plus
travailler comme au début du siècle dernier. J’entends bien qu’après avoir
accueilli près de 20 millions de tonnes de marchandises il y a plus de 20 ans,
nous n’en sommes plus qu’à 4 millions sur la voie historique. Mais aujourd’hui
seuls ceux qui n’habitent pas au bord de la voie ferrée pensent encore que l’on
peut à nouveau atteindre 20 millions de tonnes.
Notre responsabilité est d’anticiper et d’encourager un
transport fret qui se fasse dans des conditions de sécurité optimales et de
préservation du cadre de vie des riverains tout en s’assurant de sa capacité.
Cela, seul le Lyon Turin le propose aujourd’hui.
Une meilleure
desserte des territoires, un enjeu majeur.
Le désenclavement,
c’est œuvrer pour la mobilité durable des voyageurs. Car, au-delà du report modal fret,
le projet l’amélioration des désertes voyageurs entre les principales
agglomérations rhônalpines et leurs relations avec les métropoles européennes,
en diminuant les temps de parcours, en assurant une meilleure régularité et en
augmentant le niveau de service.
Concrètement, le Lyon-Turin, c’est un objectif de 4 millions
de voyageurs internationaux par an et de 8,7 millions d’usagers nationaux par
an. Le trajet entre les deux villes se fera en 1h45, contre plus de 4h
aujourd’hui et Paris se trouvera désormais à 4h de Milan, au lieu de 7h
actuellement. L’enjeu est bien là, on ne parle pas de quelques minutes
grappillées sur un voyage voyageur mais bien de diviser par deux le temps de
trajet sur des distance de 400 km pour la premiere et 900 pour la seconde.
Investir pour la
croissance et la compétitivité
Le Lyon-Turin est souvent appréhendé au regard de ses
retombées économiques. Il est vrai que le projet facilitera considérablement
les relations entre la France, particulièrement Rhône-Alpes, et l’Italie. C’est
une composante importante du projet. Sur ce point, la réponse apportée à
Guillaume LISSY tout à l’heure par les représentants de la Conférence
intergouvernementale est significative.
Au-delà de l’impact
de long terme, je souhaite préciser qu’il ne faut pas militer pour le
Lyon-Turin en se focalisant uniquement sur les retombées immédiates du chantier.
Il ne faut pas se dire, comme j’en entends certains : il nous faut le
grand chantier pour résoudre les problèmes d’emploi dans telle ou telle autre
partie de la Savoie ou de l’Isère. Il n’empêche, qu’en tant qu’élus locaux,
nous devons profiter de toutes les opportunités offertes par un tel chantier et
valoriser au mieux l’activité qui en découlera. Car, il y aura de l’activité, je ne vais pas
rentrer dans une querelle de chiffres, mais pour l’avoir vécu sur les chantiers
des descenderies, St Martin la Porte, La Praz et Villarodin le Bourget, nous
savons que ce genre de chantier, s’installant dans la durée, est pourvoyeur de
retombées, financières, économiques, fiscales et en terme d’emplois, non
négligeables.
Selon les estimations de la Démarche Grand Chantier
Lyon-Turin, ce sont plus de 2 000 emplois qui seront générés sur les 5
plus grosses années de travaux liés au tunnel de base. Les emplois induits
seront encore plus importants. Les entreprises locales auront, ne nous voilons
pas la face, certaines difficultés à soumissionner sur les lots les plus
conséquents, mais par la force des choses, et par leurs fortes implantations
locales, elles seront appelées à des missions complémentaires qui leurs
permettront de faire vivre une main d’œuvre locale.
Préserver
l’environnement
Localement, nous entendons bien certaines inquiétudes sur
l’impact que pourrait causer le projet sur l’environnement et les terres
agricoles. Je sais, je connais l’impact qu’auront les millions de mètres cubes
de marinages sortis des tunnels. Je sais les craintes légitimes face aux
tarissements des ressources en eaux, tel que vécu par mes voisins de la commune
du Bourget.
Je souhaite toutefois rappeler, comme l’a évoqué Elyette CROSET-BAY, que nous avons vécu, lors de
la catastrophe du Mont Blanc, des moments particulièrement pénibles, avec plus
de 5000 poids lourds quotidiens au tunnel routier du Fréjus. Que pour rien au
monde nous ne souhaitons revivre cet épisode. Et que le report modal du fret
routier sur le rail reste l’élément clé de la préservation de la
qualité de l’air et de la santé des populations alpines. La préservation de
l’environnement et des ressources est au cœur du projet. Je crains bien qu’être
réticent aujourd’hui sur le Lyon-Turin, c’est donner du grain à moudre aux
techniciens de Bercy qui nous expliqueront qu’il faut aller à saturation des
voies existantes, y compris routières, avant de concrétiser la nouvelle
liaison. Entre temps, les vallées alpines et leurs habitants risquent bien
d’être totalement asphyxiés.
Mes chers collègues, pour conclure, je souhaite vous
rappeler que l’ancêtre du tunnel de base, le tunnel ferroviaire du Fréjus, dit
aussi du Mont Cenis, à été commencé en 1857 par un Etat de moins de 5 millions
d’habitants (plus petit que la Région RA), le Royaume de Piémont Sardaigne, et
qu’à l’époque les interrogations portant sur l’opportunité de la réalisation
d’un ouvrage titanesque pour l’époque et pour un si peit Etat, se posaient
déjà. Les doutes, les inquiétudes, y compris dans les vallées alpines étaient
déjà de mise, et il faut ajouter à cela que les fonds européens n’existaient
pas. Il a fallu la combativité et la clairvoyance d’une poignée d’hommes d’Etat
pour que le tunnel soit creusé au commencement à la pelle et à la pioche. Il
nous revient aujourd’hui la charge de mettre en œuvre les conditions de
réalisation de cet ouvrage qui doit permettre l’exploitation du service
ferroviaire du XXIeme siècle avec toutes les assurances du report modal, de l’exigence
environnementale locale et de l’efficacité économique que nous devons à nos
concitoyens.
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