04/04/2011
L'élection du Président du Conseil Général, de l'intérieur.
Une fois n’est pas coutume, je voulais vous écrire un petit texte sur l’élection du Président du Conseil Général, jeudi dernier, mais François RIEU l’a très bien décrite dans le texte qui suit et comme c’est un peu son métier : je le laisse faire.
En arrivant dans la salle des délibérations, c’est la surprise. Des estrades sont installées pour la presse et les télévisions nationales. Alors qu’il n’y a pas eu moyen durant la campagne d’avoir une couverture médiatique sérieuse et informative sur les enjeux des élections cantonales et sur les missions d’un département, l’élection du président en Savoie déplace des journalistes comme s’il s’agissait d’un évènement international…
Cette pointe de regret exprimée, les 37 élus et leurs suppléants s’installent dans une humeur
potache pour les élus de gauche, heureux de leur nouveau poids, mais avec un zeste
d’appréhension pour les élus de droite, qui ont pour beaucoup quelque chose à perdre
aujourd’hui.
La séance d’ouverture est toujours présidée par le doyen d’âge. Avec ses 72 ans, Alexandre
Dalla Mutta bénéficie de cet honneur éphémère. Lui le fils d’immigré italien (c’est lui qui le
souligne) est un instant assis dans le fauteuil des ministres Borrel, Fontanet, Besson, Barnier et Gaymard. C‘est visiblement un moment d’émotion pour lui.
A sa suite, quatre personnes s’expriment : Thierry Repentin, Jean Pierre Vial, Lionel Mithieux et Hervé Gaymard. Tous font le bilan des élections, des messages envoyés par les savoyards, qu’ils aient ou non voté. Sensiblement, les promesses programmatiques se ressemblent. C’estpeut être plus sur la méthode de travail et sur la crédibilité des changements que les choses diffèrent. Quand Hervé Gaymard martèle que « l’on ne triche pas avec la République », chacun approuve et se souvient…
A 10 h, après une heure d’explications et de programmes, nous passons au vote. Un vrai vote, avec bulletins imprimés (histoire que personne n’aille comparer les écritures pour voir qui a voté quoi. Ca s’est vu par le passé…) et isoloirs. Chacun est libre de s’exprimer comme il l’entend.
Le vote
Benjamin de l’assemblée (depuis 13 ans, nous vieillissons !), Vincent Rolland ouvre les
enveloppes une à une. Je fais de petits bâtons pour suivre l’évolution des rapports de force. A côté de moi, Thierry Repentin est tendu. En face, Hervé Gaymard n’est pas plus serein. Au final, 18 voix chacun, et un vote blanc au milieu.
Second tour dans la foulée. La tension est encore plus palpable. Gaymard, Gaymard,
Repentin, Gaymard, Repentin…. Vincent Rolland tient le suspense. Personne n’est étonné au premier bulletin blanc. Mais au second, vague de surprise dans la salle, et les deux candidats pâlissent. Dans quel camp y a-t-il un oiseau sorti du nid ? C’est chez Gaymard. 17 voix, contre18 à Repentin (il faut 19 voix pour être élu. C’est à la majorité des 37 membres). L’indépendant Jean Paul Claret (canton des Echelles) demande une suspension de séance. Elle durera près d’une heure trente.
Au sein du groupe Savoie pour Tous, nous choisissons une position claire, dans l’intérêt du
département, du respect des élus et des électeurs en général : présenter Thierry Repentin au 3ème tour, et voter Repentin (la stratégie de prise du pouvoir aurait pu conduire à annoncer
présenter Repentin et à voter pour un élu du groupe plus ancien que Gaymard. Nous aurions
ainsi augmenté nos chances de prendre la présidence, avec la certitude d’écorner gravement l’image du politique, et de conduire à une machine ingérable, les mêmes manoeuvres pouvant être menées ensuite pour l’élection des vice-présidents, par nous ou le camp d’en face. Du grand n’importe quoi. Que nous refusons).
En face, les indépendants sont dans une salle, le groupe UPS dans une autre. Michel Bouvard en sort très vite, peu amusé par ces tractations internes, à la recherche d’un vote blanc égaré…ou d’une place dans le futur exécutif…
Après une entrevue entre Repentin, Gaymard et Claret, tous les groupes affirment partager la même vision sur le 3ème tour. Pas de coup fourré sur l’âge des candidats.
Juste avant midi, chacun vote. Vincent Rolland reprend sa litanie pénible. Les petit bâtons
s’alignent sur ma feuille, et finissent à 18-18, plus un blanc. Le blanc est aussi dans la salle.
Alexandre Dalla Mutta reste coi. Il met un petit moment à proclamer élu Hervé Gaymard, au
bénéfice de l’âge.
Analyses et conséquences
On peut faire deux lectures de l’évènement : soit la droite sauve ses meubles, soit elle file un
mauvais coton. En 1994, le rapport de force était de 31 à droite, contre 6 à gauche. En 1998,
28 à 9. En 2008, 22 à 15. En 2011, nous sommes à 18 partout, plus un indépendant au milieu.
Hervé Gaymard sauve certes son poste, mais dans la configuration la plus délicate qui soit : au bénéfice de l’âge, sans majorité. La position de J P Claret, ancien proche de Louis Besson et élu en 2008 avec les voix du candidat socialiste qui s’est désisté en sa faveur, n’est pas non plus des plus simples…
Hervé Gaymard semble avoir bien compris, soulignant dans son discours inaugural la dignité
des débats et des candidats, la nécessité d’un travail plus ouvert au sein des commissions, la nécessité de mieux prendre en compte les programmes des uns et des autres, notamment sur la dépendance, le transport, le logement, l’environnement en général. Un plan climat est
annoncé, dans la foulée du livre blanc sur le climat en Savoie publié en 2010.
Dans son intervention, Thierry Repentin a lui aussi souligné le respect qui a prévalu au fil de
cette longue matinée. Respect entre élus, mais surtout respect vis-à-vis des citoyens. La nouvelle donne imposera une plus forte écoute, une plus forte présence au président. Il termine par uneadmirable pirouette, soulignant l’exploit du nouveau président, vainqueur au bénéfice de son âge face à un sénateur. Hervé Gaymard prend un coup de vieux. Mais il est président. On sent un certain soulagement parmi ses troupes ou certains employés de son cabinet…
L’après midi est consacré à l’élection des vice présidents. Peut-il y en avoir de gauche ?
Mathématiquement, c’est jouable. Mais politiquement ? A la Coral (communauté de communes d’Albertville), après une élection du président à 50/50, les vice-présidents sont des deux bords, à parité. Mais il s’agit d’élus communaux, élus sans programme intercommunal précis, et, qui après l’élection ont élaboré ensemble un programme pour les 6 ans du mandat. Ici, au conseil général, nous avons à gauche comme à droite fait campagne sur des programmes clairement distincts. Les électeurs ont certes choisi plutôt le programme de gauche (12 cantons sur 19 renouvelables) mais n’ont pas mandaté leurs élus de gauche pour participer à un exécutif de droite ! Dans un contexte délétère où l’image des élus est terriblement dégradée, il nous a semblé aussi plus clair de ne pas donner l’impression de rechercher des postes ou des voitures de fonction… Nous choisissons donc de laisser le président présenter son exécutif, sachant que dans les commissions où s’élaborent les décisions nous serons à 50/50 et donc en mesure d’influer encore plus que par le passé sur les choix départementaux. Et selon la position du seul élu réellement indépendant, nous pouvons aussi bloquer un budget qui nous semblerait contraire aux intérêts de la Savoie et de ses habitants.
Le cas Mithieux
Fondateur du centre indépendant, Lionel Mithieux s’est senti pousser des ailes lors de cette folle semaine, au point d’annoncer à ses amis qu’il pourrait être premier vice président, voire
président. Dans son intervention publique, il s’est posé en recours, entre une UMP droitisée et un PS qui ne serait pas une alternative. Annonçant avoir passé un contrat de gouvernance nouvelle avec Gaymard et l’UPS, il prévient qu’il s’abstiendra au premier tour mais votera Gaymard au second, car la gauche savoyarde est sectaire vis-à-vis des centristes (c’est sans doute ce sectarisme bien connu qui a conduit Louis Besson, président de Chambéry Métropole, à prendre Lionel Mithieux comme vice président de l’agglomération chambérienne…). Or dès le premier tour Mithieux vote Gaymard, donnant une image désastreuse du centre indépendant, qui non seulement court vers la gamelle mais en plus ne tient pas ses promesses publiques cinq minutes après les avoir exprimées. Hervé Gaymard a sans doute eu besoin de la voix de Lionel Mithieux pour sauver les meubles ; il le récompense d’ailleurs d’une vice-présidence. Mais ce centre-là traduit plutôt des ambitions personnelles qu’une véritable conscience politique novatrice. Après cela, qui pourra porter une étiquette centriste ou indépendante sans être la risée des électeurs ?
Savoie, Haute Savoie ?
A quoi servirait la fusion entre les deux départements ? A donner un meilleur service aux
savoyards, ou à sauver une majorité fondant comme neige au soleil en Savoie, et encore très enforme en Haute Savoie, où la gauche n’a que 4 sièges sur 34 ? La question relevait peut être d’une interprétation tendancieuse hier, mais elle devient d’une actualité brûlante. Mais pas sûr qu’un président sans majorité puisse imposer ses vues à des haut savoyards tranquilles dans leurs bottes…
F.RIEU
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